Google+ : récit d’une lente mise à mort

Mathieu Chartier Réseaux sociaux 1 commentaire

Google annonce la fin (mort) de son réseau social Google+

Google+ va officiellement fermer ses portes dans quelques mois (vers août 2019) après plus de 7 ans de bons et loyaux services. Il ne s'agit pas vraiment d'une surprise pour ce réseau social né le 28 juin 2011 tant les signes négatifs s'accumulaient. Il semblerait que la raison fatale fût une faille de sécurité ayant affecté les données personnelles de près de 500 000 comptes. La réalité est peut-être encore plus sombre que cela...

L'histoire était pourtant bien partie. Google voyait ses concurrents Facebook et Twitter rafler tout sur leur passage et s'était mis en tête de ne pas rater la marche des réseaux sociaux. Google+ a donc vu le jour avec des fonctionnalités déjà connues et maîtrisées par les utilisateurs, mais aussi des nouveautés intéressantes sur le moment (hangouts, +1 pour les sites web, Google Authorship, Google+ Local, collections, etc.). Les années ont passé, Google+ a tenté mais a échoué après avoir perdu plusieurs batailles. Récapitulons tous les signes avant-coureurs de cette fin sans surprise...

Google a annoncé une mort lente pour son réseau social pour les consommateurs (il devrait rester un ersatz de Google+ pour les professionnels à priori) :

Sur une période de 10 mois, son achèvement est prévu pour la fin du mois d'août prochain (2019, NDLR). (...) Au cours des prochains mois, nous fournirons aux usagers des informations supplémentaires, notamment des moyens pour télécharger et migrer leurs données.

Google s'avoue vaincu...

Le 24 août 2018, Google France a lui-même fermer son compte Google+, tel un aveu d'échec exposé avec ces mots :

On ne savait pas trop comment vous l’annoncer mais, voilà, la page Google France sur Google+ fermera ses portes en cette fin de semaine. Un grand MERCI à tous vos contributions pendant ces belles années

J'avoue que cette date a été marquante dans mon esprit pour confirmer la fin annoncé du réseau social. Certes, c'est sûrement l'élément le moins perturbant dans la liste qui va venir, mais ce constat d'échec était assez révélateur d'une situation catastrophique pour Google+...

Destructuration de Google+ et naissance d'Alphabet

Un autre élément structurel semblait assez évocateur. La mise en place d'Alphabet au-dessus de toutes les sociétés et succursales de Google montre que la firme n'hésitera plus à fermer les structures les plus faibles de son environnement. Google+ étant devenu un maillon faible, il était certain que sa fermeture était dans les cartons, et la faille de sécurité était une bonne occasion pour le faire...

D'ailleurs, à un autre niveau, on pouvait aussi remarquer que Google prenait de plus en plus de distance avec le réseau social. En effet, Google+ s'est défraichit au fil du temps. Google lui a retiré les hangouts, les pages professionnelles, les photos (pour créer Google Photos), Google+ Local (pour créer Google My Business). Et si nous voulons aller plus loin, Google a également retiré les photos dans les SERP provenant des profils Google+ (via l'Authorship), les informations sociales des entreprises dans le Knowledge Graph et surtout le mini boost SEO qu'apportait l'Authorship. Je n'ai même pas tout cité ici, c'est dire à quel point Google+ a été écartelé jusqu'à sa disparition certaine. Il n'était plus que l'ombre de lui-même et Google l'a provoqué...

Google+, un réseau social qui ne décollait pas

Google+ avait atteint des sommets fin 2013 avec pas moins de 300 millions d'utilisateurs actifs pour le réseau social, quand Twitter n'en avait alors que 230 millions à titre de comparaison. Quelques mois plus tard, Google+ a atteint les 440 millions d'usagers actifs, malgré un paradoxe montrant la désaffection dont il faisait l'objet. L'âge d'or n'aura pas duré bien longtemps puisque ce dernier aurait affiché uniquement 111 millions d'utilisateurs actifs en 2015 (profils actifs selon Forbes). Nul ne sait si cela était vrai mais il ne fait aucun doute que l'activité faiblissait de jour en jour...

Au-delà de ces chiffres en nette baisse face aux géants de la sociabilité web, Google a également avoué ceci :

La version consommateur de Google+ a actuellement un usage et un engagement faible. (...) 90% des sessions utilisateurs de Google+ durent moins de cinq secondes.

Avec de telles statistiques, comparé aux coûts des infrastructures et de maintenance d'un tel outil, la disparition du réseau social devrait plus rentable pour Google que de le laisser vivre...

La faille de sécurité qui fait tâche...

L'histoire de la faille de sécurité est narrer dans tous les médias comme la cause fatale à Google+. Selon moi, il s'agit davantage d'une excuse qui tombe à point nommé, et les paragraphes précédents semblent me donner en partie raison. Disons que la récente faille de sécurité (découverte en mars 2019 en réalité) a été la goutte qui a fait déborder le vase.

Dans les faits, il s'agit plutôt d'un bug que d'une faille, qui a par ailleurs été colmaté et ne pose donc plus de problème. Ce bug pouvait "potentiellement" affecter 500 000 comptes d'après un audit mené en interne. Comble de l'histoire, Google pense qu'aucune donnée n'aurait été violée malgré de bug (dans une API utilisée par 468 applications). Bref, on a vraiment de quoi se demander si cette excuse n'arrangeait pas les affaires de la firme...

Conclusion et suites pour Google+

De nombreux facteurs montrent bien que Google+ s'est tué à petit feu quand Google l'a (presque) voulu. C'était annoncé, et la disparition de celui qui fait un des cinq plus grands réseaux sociaux ne sera pas forcément une perte dans le paysage, si ce n'est pour les plus nostalgiques.

Google+ avait d'énormes qualités à ces débuts, notamment avec cette mixité entre réseau social, plateforme locale (Google+ local), messagerie (hangout) et même critère de pertinence pour le moteur de recherche (AuthorShip et peut-être un AuthorRank...). Ce n'était pas rien, mais à tout décomposer, Google+ s'est fait hara-kiri. Ce n'est donc pas forcément la faille de sécurité pour 500 000 comptes qui est la réelle raison de ce désastre digital, mais une bonne excuse pour enfin mettre fin à ce service voué à l'échec...

Pour la peine, je vais partager cet article sur Google+, histoire de boucler la boucle... ;-)