Toute l'Europe frémit à la sortie de la loi du 24 juillet 2019 sur le droit voisin (entrée en vigueur le 24 octobre 2019), et Facebook fait partie des mastodontes affectés par ce changement. La nouvelle loi vise notamment à mieux rémunérer les éditeurs proposant des contenus publiés et utilisés gratuitement par des plates-formes (comme sur Google ou Facebook) mais aussi à obtenir l'autorisation des éditeurs pour que leurs contenus soient publiés à l'avenir. Pour contrer ce phénomène, Google a décidé de masquer automatiquement tous les extraits d'articles dans Google News, comme nous l'évoquions récemment. Facebook, quant à lui, opte pour une autre solution, que je vais détailler ci-dessous...
Le 24 octobre 2019, Facebook a indiqué vouloir discuter avec les éditeurs de presse pour créer un espace dédié, qui permettrait de détourner en quelque sorte le droit voisin. Le 25 octobre 2019, le réseau social annonce Facebook News en test aux Etats-Unis, à savoir une plateforme justement dédiée à des éditeurs de contenus. Force est de constater que cela tombe à pic et que le déploiement ne devrait pas tarder si la problématique légale constitue un frein aux publications sur Facebook.
En somme, deux types de publications peuvent être affectées sur les réseaux sociaux. La démarche d'une publication étant volontaire, on peut considérer que les éditeurs de contenus qui publient leurs articles assument les extraits enrichis publiés sur Facebook. De fait, Facebook et les autres réseaux sociaux sont dans les règles ici. En revanche, quand un utilisateur lambda publie ou partage un article d'un éditeur de contenus sans son consentement, les plates-formes se retrouvent visées par le droit voisin. Par conséquent, il faudrait que Facebook (pour ne citer que lui) obtienne l'accord des éditeurs de contenus pour que les contenus partagés par d'autres usagers soient valorisés, avec une image, un snippet, un titre, etc.
Facebook News et les balises Opengraph
L'opengraph de Facebook est clairement dans le viseur, car les balises HTML permettent de générer des extraits enrichis sur le réseau social, au même titre que les Twitter Cards. Par conséquent, si un utilisateur partage un contenu sur le réseau social, un extrait complet et enrichi apparaît. Or, s'il n'est pas directement partagé par un éditeur du contenu, cela constitue donc une infraction à la nouvelle loi. Or, ce sont bel et bien les utilisateurs qui publient et partagent les articles en général. Selon la source du partage, vous pouvez dès à présent remarquer que certains articles n'apparaissent plus avec tous leurs attributs, malgré la présence de balises OpenGraph dans le code HTML. Ce n'est pas encore répandu partout mais cela semble se multiplier.
Facebook doit donc à la fois obtenir un accord des éditeurs de contenus pour continuer de publier les extraits enrichis de leurs contenus sur la plateforme, mais aussi créer un espace dédié afin de valoriser leurs efforts. C'est un peu l'objectif de Facebook News en test aux Etats-Unis. L'objectif de cette nouvelle section dans le réseau social, en partenariat avec des éditeurs de contenus reconnus, est de publier des articles à la Une et des sujets phares du moment. Facebook prévoit aussi d'offrir de nombreux contrôles aux utilisateurs pour personnaliser cet espace et choisir ce qu'ils souhaiteront voir apparaître. Ainsi, Facebook obtiendrait l'accord des éditeurs et pourrait en quelque sorte contourner le droit voisin...
Obtenir l'accord des éditeurs...
La question est de savoir comment Facebook va obtenir l'accord des éditeurs de contenus pour que les extraits enrichis soient affichés comme par le passé. En effet, si Google a rajouté une option dans la Google Search Console pour que les professionnels valident la publication des extraits dans Google News, qu'en est-il de Facebook ? Comment peut-il reconnaître qu'un éditeur de contenu en est vraiment un ?
Prenons l'exemple de ce blog, qui entre clairement dans le cadre de la loi sur le droit voisin. Il faudrait que Facebook identifie ce blog comme un éditeur de contenu. Ensuite, il faudrait que le réseau social fasse la liaison entre les URL du blog et un profil ou une page professionnelle sur le réseau social. Enfin, il faudrait qu'une option sur Facebook permette au profil ou à la page de valider la publication des extraits enrichis. J'avoue être un peu perdu sur ce point, et cela explique sûrement la volonté du réseau social de mettre en place Facebook News, afin de repérer les éditeurs partenaires.
En bref, le droit voisin (droit d'auteur amélioré) risque de considérablement chambouler l'affichage des contenus sur les principaux acteurs du numérique tels que Facebook, Twitter et Google, avec moins d'extraits enrichis publiés gratuitement sans le consentement des éditeurs de contenu. Il ne reste qu'à voir comment les éditeurs vont pouvoir soumettre leur accord dans les semaines à venir, car cela ne saurait tarder...